JJ Hings, les best bell’s glaces de Julia

Vous ne mangerez pas des glaces artisanales (pour de vrai) par hasard chez JJ Hings.

En ce jeudi de fin du mois de juin, au sous-sol des bureaux désormais partagés de Ten Belles dans le 11e arrondissement de Paris (reportage ici), la boulangerie-coffee shop installée de l’autre côté de la rue, son ancienne pâtissière est train d’équeuter les fraises de Plougastel d’une dizaine de cageots qu’elle se fait livrer depuis la ferme de Mathilde. Il faut emprunter un escalier raide comme une échelle de chantier pour se rendre dans le labo — lui aussi partagé —, et atteindre l’espace de quelques mètres carrés où elle transforme des matières premières nobles, et sélectionnées en ce sens, en savoureuses glaces, sorbets et sandwichs glacés qui font déjà parler tout Paris.

( © LTMA)

À peine deux mois après l’ouverture de la porte de JJ Hings, et ses 8 mètres carrés où, du vendredi au dimanche, elle installe une vitrine à glaces bleu pastel et rédige un nouveau menu sur papier craft, Julia vit son rêve. La jeune et douce Néo-Zélandaise de 35 ans, originaire d’un petit village du centre de l’île du bout du monde, s’est formée au Wellington Institute of Technology (WelTec), à Wellington à 22 ans, alors pourtant encore étudiante en archéologie. « Je me disais « Je dois être chef », car j’ai besoin de créer », confirme-t-elle en souriant, ravie d’y être parvenue dans le seul pays où elle souhaitait vivre.

Durant son premier emploi à Melbourne (Australie), elle n’a pourtant pas pâtissé tout de suite. Elle était en cuisine et elle y est restée quatre ans avant de partir pour le Canada. Là-bas, elle travaille cette fois en boutique. Elle rencontre son mari, Français, peu enclin à l’époque à revenir en France. Retour en Australie mais, au bout d’un an, son mari cède et ils partent pour le pays qui la faisait rêver depuis longtemps.

Julia est pâtissière, certes, mais sa spécialité, c’est la glace. Elle tente sa chance chez Glazed (Paris), qui cherchait quelqu’un à l’époque. « Je parlais très mal français, je ne comprenais pas ce qu’on me disait. On m’a quand même demandé d’aller au labo et de préparer quelque chose. J’ai montré ce que je savais faire et j’ai été recrutée. » Elle restera dans la glacerie durant deux années.

Elle passe ensuite un an chez L’Éclair de Génie (deux boutiques à Paris) et en part pour rejoindre l’équipe de Ten Belles (à Paris toujours), dont les valeurs artisanales correspondent davantage à sa vision du métier et du produit. Elle y restera quatre ans avant de décider de se lancer pour elle-même.

( © LTMA)

Matières premières en premier et avant tout

« J’étais fatiguée du monde avec des additifs, des prémixes et des purées de fruits », lâche-t-elle face à son tas de fraises, qui remplit la moitié d’un bac et embaume le petit espace. Cette petite boutique stratégiquement située près du canal Saint-Martin — du côté opposé à la rive où est installé un Amorino -, se trouve dans un coin du 11e où de nombreux talents ont fait grimper la hype de quelques rues. C’est toutefois la qualité de l’offre qu’elle propose qui attire.

De cinquante cornets servis les premières semaines, Julia se prépare au millier qui s’annonce pour les trois jours qui arrivent. Pas loin de trois jours de préparation sont nécessaires pour écluser toute sa production : trois parfums pour ses glaces, deux pour ses sorbets, deux pour ses glaces à l’italienne, deux ice pop (la version esquimau), et deux sandwichs glacés.

La machine à cuire les cornets à la farine de petit épeautre ( © LTMA)

Pour cinquante centimes, elle sert les boules glacées dans un cornet maison qui motiverait n’importe qui, craving for an ice-cream*, à ne pas céder devant un « glacier d’appoint » pour se rendre chez elle.

Le secret : de la farine de petit épeautre (de la Ferme d’Orvilliers, en Eure-et-Loir), du beurre noisette, du blanc d’œuf, du sel et un peu de sucre de canne bio (Incauca). Le biscuit, épais comme il faut, bien ambré une fois cuit, offre une pointe de cône serrée, très gourmande en fin de dégustation. « J’adore la farine de petit épeautre, elle donne un goût de biscuit. Et, de manière générale, je ne travaille que les farines complètes et intégrales », explique-t-elle, en montrant fièrement les sacs de farine de la Ferme de Vaux (Seine-et-Marne).

( © LTMA)

Pour sa glace straccia-salé, vanille et chocolat salé, elle travaille avec le chocolat de Original Beans et y ajoute une pointe de sel. « Je trouve tout meilleur avec une pointe de sel », s’amuse cette artisane, qui travaille la douceur.

Les pêches et les abricots arrivent dans de grands cageots et c’est Adrienne, sa collaboratrice à la vente, qui s’installe pour les dénoyauter en face d’elle.

Pas trop de parfums pour sa carte : c’est sa vision, en vue de maîtriser les goûts et la production, de se contraindre à respecter la saisonnalité de la nature et des cadeaux qu’elle fournit chaque semaine.

( © LTMA)

La rhubarbe de la semaine dernière a été travaillée pour en casser l’acidité, et Julia en fera de même pour les abricots, qu’elle passera dix minutes au four pour en développer la douceur.

Pour préparer les crèmes glacées et sa glace italienne, elle travaille avec la Fromagerie Beillevaire pour sa crème crue et le lait ribot, et avec la Ferme de la Haute folie (Basse-Normandie) pour le lait. « J’ai testé beaucoup de références différentes avant de choisir ces marques-là », justifie-t-elle, en expliquant qu’en Nouvelle-Zélande, les Kiwis** sont de grands consommateurs de glaces (« vingt-huit kilos par an et par personne », chiffre-t-elle) et l’offre générale est de très grande qualité. « Là-bas nous avons d’excellents fruits et d’excellents produits laitiers. Je suis habituée à ce niveau de qualité, et je trouvais qu’il manquait une offre de glaces aux parfums purs en France. »

Elle fait les glaces qu’elle aime manger, d’où sa glace italienne Fraise leche, complètement artisanale, avec le minimum d’ingrédients — un sorbet pur fraises fraîches et une pointe de citron -, sa Rhubarbe ribot ripple composée de lait ribot infusé à la fleur de sureau et d’une compote de rhubarbe.

Côté sandwichs glacés, moins communs en France, le Fraise à la fraise est composé d’une glace à la fraise, confiture de fraises, emprisonnées dans deux biscuits et du chocolat blanc, et le Peanut buddy & JJ est composé d’un parfait au « meilleur beurre de cacahuètes » (elle se fournit chez Buddy Buddy, situé dans le 11e, quelques rues plus loin), confiture de fraise, chocolat, crumble de cacahuètes, et biscuits au beurre de cacahuètes.

Enfin, elle propose aussi une version revisitée du milk-shake, le Float, un soda de rhubarbe et de fleur de sureau dans lequel sont déposées deux boules de glace (les scoops).

Le bac déborde de fraises. Les doigts de Julia, rougis par le jus écarlate, font défiler des photos de son smartphone pour en montrer une en noir et blanc où on distingue un vieux camion remorque sur lequel on peut lire le logo Jack Hings, du nom de l’entreprise de ses grands-parents, maraîchers : le second J de JJ Hings est en mémoire de sa grand-mère, Jean.

( © LTMA)

Les deux femmes reconnaissent être grisées et « dépassées » par le succès. Julia ambitionne d’aller plus loin, comme de proposer des petits pots à la vente pour les restaurants.

* pris d’une envie irrépressible d’une glace, en anglais.
** surnom donné aux Néozélandais.

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